L’hypnose, une? relation inégale entre deux individus ?
Le guide
Et c’est aussi pourquoi l’hypnose a une telle relation avec la thérapie. C’est que tout acte psychothérapeutique actif est de cet ordre? : vos représentations du monde ne vous ont pas permis de dénouer le nÅ“ud que vous vous trimbalez. La thérapie vous «déplace» dans une autre cadre, une autre vision, un autre système. Seul, vous y seriez perdu, mais le thérapeute vous y guide. Parfois même, il vous prend par la main. D’autre fois, il vous montre une direction et vous laisse y aller seul. Et dans cet autre cadre, vous voyez les choses différemment. Le nÅ“ud peut enfin se défaire. Il aura fallu ce petit voyage pour rentrer chez soi d’une façon meilleure.
Le guide marche devant. C’est sa fonction. C’est son travail.
La domination
A chacun de se faire une opinion (qui sera de toute façon correcte et légitime par avance).
Cela dit, il devient également difficile d’admettre que les individus entre eux puissent s’organiser selon une relation dominant-dominé. D’ailleurs, le terme de domination est devenu négatif. Et l’idée de dominer une personne est une bien mauvaise chose. Paradoxalement nous faisons tout pour, et lorsque nous n’y réussissons pas, nous essayons de garder la face et de cacher notre frustration sous beaucoup de mauvaise foi.
Dans le cadre de la thérapie, l’époque du New Age a imposé une culture de l’anti-domination. L’hypnose était connue pour être une position dominante d’une personne sur une autre, et pour qu’elle survive dans cette nouvelle bien-pensance, il a fallu créer une idéologie autoritaire du «low status», la position basse.
Et l’hypnose a perdu à cet époque toute son essence. L’hypnotiseur est devenu une éponge sensée ne jamais rien savoir, ni imposer à son sujet (qu’il devient alors illégitime de nommer ainsi). Il utilise uniquement le vocabulaire de son consultant (rappel? : consultant = celui qui consulte et non celui qui est consulté), il respecte et parfois adopte ses croyances, ses idées, son univers, son point de vue, ses jugements, ses névroses, etc… jamais il ne lui prescrit de faire telle ou telle chose mais il lui propose éventuellement, s’il le souhaite, de bien vouloir faire quelque chose qui lui viendrait à l’esprit. Cette mollesse du référent est décevante et frustrante pour les personnes qui font preuves de peu d’initiative naturelle qui attendaient qu’on leur dise quoi faire et où aller. Et cette mollesse offre à ceux des consultants qui s’avèrent plus forts de caractère une totale liberté de faire ce qu’ils veulent et de mener la séance eux-mêmes. De mener l’hypnotiseur par le bout du nez.
En soi, on pourrait dire? : pourquoi pas? ? Un thérapeute «Zélig» sans consistance peut être le catalyseur de type psychanalytique d’une auto-thérapie. C’est d’ailleurs là une grande marque de l’influence d’une certaine psychanalyse.
Mais l’attitude n’est pas seulement présentée comme une simple technique, mais encore comme une véritable posture morale? : la position basse. Le thérapeute a désormais comme impératif moral de faire preuve à tout moment d’une humilité confinant à l’auto-humilitation, dans une sorte de récupération naïve du «je sais que je ne sais rien». Or, le thérapeute est formé? ; il a appris des choses. Et s’il décide de faire ce métier, c’est parce qu’il en arrive à un point où il peut se dire «je sais que je sais des choses et que j’ai la compétence pour en faire profiter mon prochain».
Mais en vérité, le thérapeute-éponge qui refuse d’être un thérapeute-guide, ça ne marche pas. La séance face à un tel thérapeute se passe à peu près comme cela? :
-
le thérapeute mène l’entretien uniquement si la personne en face lui en laisse l’occasion. Ses suggestions, s’il a le temps d’en placer, sont reçues par une personne qui n’y est pas forcément réceptive.
– dans la phase d’usage de l’hypnose, le sujet au mieux part de lui-même en auto-hypnose et fait sa petite affaire avec la voix de l’autre en musique d’ambiance, et au pire, attend, les yeux fermés, vaguement relaxé, qu’il se passe quelque chose tandis que l’autre lui tient des propos inconsistants. Si survient un petit décrochage, l’hypnotiseur saute dessus pour le considérer comme le fruit de sa méthode d’induction, et en aucune façon de l’ennui, ou bien il passe à côté et ne l’exploite même pas. -
Les phénomènes hypnotiques basés sur une impression de perdre le contrôle, ou les distorsions de la perception, de la mémoire, de la personnalité, si elles sont utiles sont quasiment impossibles à obtenir dans cette relation. Et d’autant plus qu’ils se présenteront comme extraordinaires.
-
Les résultats sont voués au hasard et de l’ordre du placébo
-
l’opérateur n’ayant aucune prise sur son sujet, si celui-ci est bel et bien rentré dans un état second (sommeil, etc…), il a le plus grand mal du monde à le réveiller, et il lui faut un long moment et beaucoup de suggestions progressives pour obtenir un sujet totalement réveillé.
-
par la confiance. C’est le rapport le plus souvent utilisé dans l’hypnose surtout depuis Milton Erickson au XXe siècle qui en a fait un paramètre d’une importance capitale, mais déjà bien avant lui. C’est clairement une position où une personne accepte l’ascendant d’un autre de plein gré et avec plaisir parce qu’il a une confiance suffisante en lui pour le suivre. C’est la position du guide que nous venons de développer. *(note en bas)
-
Par le langage. Une hiérarchie se crée naturellement entre les individus humains en fonction de leur maîtrise du langage, de leur registre, de la richesse de leur vocabulaire et de leur capacité à comprendre, à convaincre, à exprimer des idées, à défendre des arguments, voire à manipuler l’autre. Dans certains contextes, celui qui est dominé linguistiquement peut renverser le rapport par la force, pas le mépris, ou par la caricature. En hypnose, la maîtrise de la dimension linguistique est surtout utile pour assurer cette autorité intellectuelle qui incite l’autre à faire confiance à la personne en face. Une fois cette démonstration faite, la confiance établie, cette domination qui menace la compréhension des idées est à tempérer. Il s’agira alors d’être clair et d’être compris en stimulant le moins possible un effort pour comprendre. Donc, on adopte ensuite un langage simple et confortable pour tous qui n’interfère pas avec la régression naturelle du bercement hypnotique? et au contraire l’encourage : un langage de plus en plus enfantin (et de moins en moins technique).
Un hypnotiseur qui n’aurait pas un niveau de langage supérieur à son interlocuteur pourra se retrouver en difficulté, à moins d’assumer une autre façon d’établir la relation (en chercher une dans cette liste) -
Par la culture et la connaissance. Cette domination peut être réelle ou non. Un diplôme affiché dans un cabinet suffit à donner à la plupart des gens l’impression que la personne en face en sait plus qu’eux, et qu’il est utile de l’écouter sagement et de faire ce qu’il dit. Ainsi, lorsqu’il suggère qu’on ira mieux, alors ça doit être vrai. C’est aussi cette relation qui entre en jeu dans la relation guide-guidé. Le guide connaît le chemin, c’est sa supériorité en terme de connaissance. Ou bien encore, il possède une carte qu’il pourra ou non donner à l’autre.
-
L’automatisme. On doit notamment à Binet, Ribot, Braid, Pavlov et bien d’autres des études sur cette question. Dans le cas qui nous intéresse, disons que cela commence par le fait de jouer le jeu de la soumission et de l’obéissante (compliance,? en anglais)? dans un premier temps, et qui se continue comme une relation naturelle de confiance. Par exemple, je vais faire accepter à la personne en face de faire une série de choses simples tel que lever un bras, le baisser, tourner la tête, dire un mot, etc… Avec la monotonie et la simplicité de l’exercice se crée une disposition de réceptivité simple chez l’autre. Cette phase peut durer trente secondes aussi bien qu’une heure pour voir apparaître un automatisme satisfaisant. Il suffit ensuite de lui demander progressivement des choses plus propres au développement d’une hypnose pour que celle-ci apparaisse rapidement. On peut dire que cette méthode repose vraiment sur le fait de «jouer le jeu». La confiance est donc de mise au départ.
-
La peur. Méthode ancienne notamment utilisée par l’abbé Faria en son temps mais qui est restée très ancrée dans l’imagerie populaire. C’est en effet la méthode de subordination d’un individu la plus proche de la domination animale. Une personne qui a peur se retrouve parfois dans un état de réceptivité particulière qui la pousse à accepter ce que dit l’autre comme vrai, ou à suivre ses directives. C’est l’archétype de l’hypnose du vampire dans Dracula. On la nomme parfois «fascination» lorsqu’elle se présente sous une certaine forme, paradoxalement effrayante et séduisante. Pourtant, la docilité comme réponse à la peur se fait souvent sur fond d’une confiance. Sans confiance, la peur conduit à la soumission uniquement s’il y a menace. Dans l’hypnose moderne, évidemment nous faisons tout pour rassurer les personnes et éviter ce type de relation. Cela dit, lorsqu’une personne se prête pour la première fois au jeu de l’hypnose, elle ressent une appréhension qui la déstabilise et accroît sa réceptivité de façon bien? utile pour qui sait l’utiliser et l’orienter rapidement vers un état rassurant et confortable. Les phénomènes hypnotiques tels que la paralysie ou les mouvements involontaires produisent également un tel effet.
-
La surprise. Variante moins négative de la peur, elle ouvre aussi vers un état de réceptivité particulière. Si je surprend quelqu’un, j’ai un temps d’avance sur lui. Dés lors, il peut accepter cette position et me suivre. La surprise marque une domination très vivace qu’il faut savoir saisir et exploiter par la confiance rapidement.
-
L’attente. La création d’une attente, la rétention d’information, l’art de ménager le suspense, les pauses dans la phrase, tout cela contribue aussi à la domination bienveillante. L’autre a envie de se prêter à cette douce soumission qui consiste à attendre pour enfin découvrir. C’est notamment la relation de l’auteur et du lecteur, du conteur et de son auditeur.
-
La confusion. La confusion mélange l’attente et l’illusion d’une domination intellectuelle. Qu’elle soit verbale ou non-verbale, la confusion est cet état passager dans lequel est plongée la personne qui «ne suit? plus», qui est dépassée. Or, si je tiens un discours illogique, ou très abstrait, ou excessivement répétitif ou bien encore si je fais des gestes confus et étranges, tout en semblant parfaitement sérieux, mon interlocuteur peut expérimenter ces moments de décrochage durant lesquels il n’arrive plus à me suivre. Cela pose une certaine domination qu’il faut savoir saisir. Il passe en? «low status»? et me donne d’emblée un? «high status»? dans notre rapport. C’est alors que, si je lui dis quelque chose, ou bien que je lui demande quelque chose, il pourrait l’accepter plus volontiers. Etant perdu, il accepte que je le guide. Je le perd volontairement, pour le mettre en demande d’un guide. La désorientation spatiale en est un exemple édifiant.
-
La force physique. Elle impose évidemment un rapport disproportionné, non pas pour accepter intellectuellement les idées de l’autre, mais pour faire ce qu’il nous demande. Une personne qui pourrait nous faire du mal physiquement attire chez nous plus facilement un déploiement de comportements dociles visant à établir de bons rapports entre nous. Je n’ai pas le souvenir d’une hypnose basée sur un rapport de force, bien que ce paramètre puisse jouer dans certains cas de façon infime comme tout autre.
-
La domination sexuelle. Une personne qui peut offrir sexuellement ce que l’autre recherche est en position de domination évidente. Une très belle femme, par exemple, peut obtenir, dans certains contextes, qu’on la croit et qu’on fasse ce qu’elle demande plus facilement qu’une autre personne. La beauté est, d’une façon général et quelque soit le sexe, un paramètre qui facilite la confiance, comme le montrent les études.
-
L’argent. Et plus généralement, la domination sociale. Une personne qui porte un costume très cher est plus souvent obéi et voit autour de lui des personnes se soumettre naturellement beaucoup plus qu’une personne qui porte des habits miteux.
-
Bien d’autre modes de domination encore …
* note à propos de la confiance? : ne nous y trompons pas, il ne s’agit aucunement d’une vérité relationnelle entre deux personnes qui reçoivent la confirmation de la bienveillance de l’un à l’égard de l’autre. Il s’agit d’une impression, bien souvent illusoire, parfois fondée. C’est assez technique, tout compte fait. A tel point que la confiance se provoque artificiellement. Bien souvent nous faisons confiance à des personnes qui n’en sont pas dignes réellement. Et nous connaissons tous des «trucs» pour inspirer confiance (séduction). Les faux voyants et les faux médiums sont des spécialistes en la matière. L’exposé des techniques qu’ils utilisent pour gagner totalement la confiance de leur interlocuteur expose parfaitement ce qui est en jeu dans cette relation. Par exemple, le fait d’utiliser les mots de la personne, de reprendre ses idées et ses phrases avec un peu de décalage donne un effet «oh, vous pensez tout comme moi» qui crée radicalement de la confiance. L’utilisation de phrases nécessairement vraie (obvies) est très utile dans ce sens également. Les études montrent que la flatterie est une technique redoutable aussi pour gagner la confiance d’une personne. La prétérition flatteuse est une arme de suggestion formidable également. L’usage des faux points communs est un classique de la séduction également.
L’hypnotiseur peut alors inspirer confiance naturellement, par sa nature bonne et honnête, tout comme il peut apprendre à inspirer confiance également par des centaines de «trucs» qui l’aideront à installer très rapidement un sentiment de familiarité et d’intimité propice à une hypnose rapide. Les deux ne sont pas incompatibles et il est souhaitable qu’un hypnotiseur se forme à tous ces outils de la création du «rapport hypnotique» et les maîtrise, même s’il considère que sa bonté doive inspirer une confiance naturelle et sincère. En effet, bien souvent, il lui sera utile de renforcer la confiance qu’il inspire, notamment face aux sujets résistants. De plus, il suffit qu’il rappelle physiquement à son sujet l’amant de sa femme… on ne maîtrise pas toujours tous les éléments de l’impression qu’on donne à quelqu’un.
[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]