A l’invitation du Collège Romand de PNL (Suisse) avec lequel je collabore de façon régulière sur le cursus d’hypnose, j’aurai la joie d’animer dans quelques jours (Samedi 17 et dimanche 18 Octobre 2015), un stage d’autohypnose qui s’adresse aux personnes impliquées, professionnellement ou non, dans l’accompagnement individuel (thérapeutes, soignants, coach, conseillers, bénévoles, pédagogues…). Le thème sera :
Se protéger : la bonne distance émotionnelle dans l’accompagnement.
Le but de cet atelier ne sera pas de dire quelle est la bonne distance, mais d’apprendre des outils concrets d’autosuggestion hypnotique permettant de mieux gérer ses accompagnements, de se nettoyer des influences toxiques et de préparer au mieux la posture qu’on adoptera naturellement au moment voulu. Pas de grande leçon d’éthique et de posture, mais des exercices d’autohypnose orientés vers la construction par chacun de ses solutions en fonction de son besoin.
Cependant, pour accompagner cet atelier, j’y joins ce petit texte que j’ai écrit pour partager quelques principes de posture et d’attitude qui ont une place centrale dans ma pratique professionnelle, et que chacun est libre de rejeter, d’adopter, ou d’adapter.
Et voici le texte en question :
De l’empathie à l’accompagnement
De nombreuses personnes ressentent au fond d’elles le désir, la vocation, et parfois le besoin de se tourner vers les autres. D’autres se retrouvent à les accompagner par un jeu du hasard. Mais quelque soit le motif d’origine, un humain qui accompagne, aide, guide un autre humain, de façon ponctuelle ou dans une démarche suivie, voilà une relation en même temps très ordinaire et à la fois exceptionnelle.
Aujourd’hui, les mécanismes neurologiques et psychologiques en jeu dans les interactions d’empathie, de compassion, dans le sentiment solidaire, dans ce qui nous empêche d’être indifférent aux autres, sont de mieux en mieux compris. La vocation première de l’aidant est souvent profondément ancrée dans cette capacité qu’a l’humain à pénétrer la souffrance de ses congénères et à se révolter contre celle-ci presque autant que si c’était sa propre souffrance. Et pourtant, la posture de l’accompagnant professionnel ne saurait s’accorder de reposer sur un sentiment si intime et douloureux.
La personne qui exprime le besoin d’être accompagnée par quelqu’un dont c’est le métier, qu’il soit thérapeute, coach, pédagogue, ou autre, recherche un appui différent de celui que ses amis ou sa famille pourrait lui apporter. Il fait la demande d’une transaction, et en payant ce service, il s’affranchit de toute dette morale. Il fait la demande d’un cadre, qu’il soit permissif ou strict, mais un cadre tout de même. Et surtout, il demande l’aide de quelqu’un qui, ayant une grande expérience de cas comme le sien, saura le comprendre, sans entrer dans son jeu, sans le laisser retourner à ses travers ou à ses excuses toutes-faites. Quelqu’un de solide.
Certains ont naturellement cette capacité à se tenir à la bonne distance des autres. Quelle bonne distance ? Et bien justement, elle dépend de l’autre. Il n’y pas « une bonne distance », mais une distance utile et pertinente pour chaque personne à chaque instant. Et certains s’orientent avec instinct dans cet aspect de la communication.
D’autres ont des difficultés à ne pas laisser les problèmes de leurs consultants résonner dans leur sensibilité émotionnelle. Une fois le rendez-vous terminé, ils continuent de s’inquiéter pour la personne, ou bien s’inquiètent pour eux-mêmes de ce dont la personne a parlé. D’autres encore, excessivement généreux dans leur « désir d’aider », donnent une telle énergie aux accompagnements qu’ils oublient d’en garder pour eux, pour l’ « après-travail ».
Ne pas vouloir aider
Un des préceptes utiles quand on fait profession d’aide ou de pédagogie, c’est de ne pas avoir en soi, lorsqu’on est en face d’un individu, une envie de l’aider, une envie de le faire progresser, de le faire être meilleur, etc… Cette envie aboutit généralement à une ingérence qui provoque chez les consultants un réflexe de résistance.
Bien au contraire, il s’agit d’être disponible. Je suis là, je possède des outils pouvant vous être utiles. Si vous avez l’envie que je vous en fasse profiter, je le ferai avec plaisir. Si vous ne le souhaitez pas, je le respecte totalement. Et ainsi, attendre que la démarche vienne de l’autre. Et renouveler l’expression de ce désir en permanence en lui demandant sans cesse, à chaque nouvelle proposition : « est-ce que vous voulez... ? ». Lui laisser la liberté de dire « non », et le plaisir de dire « oui ».
Cela n’empêche en rien d’avoir le désir d’aider ou d’éduquer « en général », mais sans avoir la tendance narcissique à vouloir que chacun entre dans notre petit modèle du bonheur, et qu’ils deviennent des poupées dans les mains d’un enfant capricieux qui « joue au docteur ». D’autant que c’est cette projection qui est source de déception, de frustrations, et de culpabilité.
Accepter d’échouer
En effet, il est important d’accepter qu’on ne peut pas « sauver » le monde. Et il arrive que des personnes qui sollicitent une aide ou un apprentissage, repartent comme elles sont venues. Me considérer comme coupable de cet échec reviendrait à concevoir qu’il y a une cause unique, et que cette cause, c’est moi. Là encore, comble de narcissisme. Le consultant a sa vie, son destin, avec son extraordinaire complexité, une infinité de paramètres concourants à faire de sa vie ce qu’elle est à chaque instant. Ce qu’il nous demande, c’est parfois de « changer sa vie ». Mais nous, gardons à l’esprit que nous ne pouvons que l’aider à activer certains levier pour influencer tant que faire se peut le cours de son destin. S’il y parvient, et si c’est un peu grâce à nous, tant mieux. Et il est légitime de s’en féliciter. Mais s’il n’y parvient pas, ce n’est pas notre faute.
S’en attribuer la faute entièrement, cela signifierait que dans tous les cas de succès, bien plus nombreux, on se considère également comme la cause unique de son triomphe. Il n’est pour rien dans son bonheur, il me doit tout ! Voilà qui choque l’oreille, n’est-ce pas ? Et bien ce sont pourtant deux faces de la même croyance.
La démarche professionnelle d’accompagnement demande d’être au clair sur cette motivation. On peut assumer que c’est ce désir d’aider qui nous anime, tout en veillant à ce qu’il ne nous rende pas narcissique dans notre fierté comme dans nos doutes.
Le feu de cheminée
Lorsqu’on me demande comment je conçois ma posture, j’aime à répondre que j’essaie d’être pour les gens comme un feu de cheminée. Source de chaleur auprès de laquelle il fait bon se réchauffer. Source d’un éclairage qui n’éblouit pourtant pas, mais rassure. Bercé par un crépitement, on se laisse volontiers porter à la rêverie. On l’oublie, le feu, pour se laisser glisser en son for intérieur. Une fois bien réchauffé, on peut repartir. On peut auprès de lui rallumer sa propre flamme et ainsi, se passer de lui complètement.
Mais si on tente de lui jeter de ces idées toxiques qui refroidissent, de ces blocs de glace, ils ne l’atteignent pas, ils fondent avant. Et ce feu interdit tout rapprochement excessif, il impose une limite. Il ne se laisse pas atteindre. Et tout déchet qu’on lui jette, il le brule et s’en nourrit.