Hypnose subliminale et fascination. Milton Erickson on covert hypnosis

Lors d’une conférence, on a demandé au Dr Milton Erickson? comment il hypnotise ses patients. Il explique alors qu’il préfère les hypnotiser discrètement, de façon informelle, dans le cours de la conversation. Et tout en l’expliquant, il en fait la démonstration immédiate sur son auditoire.

Je vous propose de lire l’extrait et on en parle ensuite? :

«La question à  laquelle je n’ai pas encore répondu est? : Quand est-ce que j’induis l’hypnose (trance) et quelle technique est-ce que j’utilise pour l’induire? ?
Comment se fait-il que tant de personnes dans ce public soient en hypnose maintenant en m’écoutant ? Je vois que beaucoup d’entre vous sont dans des transes hypnotiques profondes.
Voyez, quand je parle à  un patient dans mon cabinet, j’obtiens que son regard soit fixé sur moi, et je lui parle d’une telle façon qu’il sache que je suis en train de lui parler.
Il sait que je veux qu’il écoute, que je veux qu’il m’entende, et que je ne suis pas le moins du monde intéressé par les bruits en dehors de mon cabinet, l’avion au dessus de nos têtes, les voitures qui passent dans la rue, les oiseaux qui chantent dans le jardin.
Je ne parle qu’à  lui, et je retiens son attention. Il se sent figé (fixated) et il se sent rigide, mais la douceur de ma voix et mon regard si direct concentrent tout son attention sur moi. Et alors il est dans un état de transe hypnotique.
C’est la technique que j’utilise habituellement parce que je n’aime pas perdre de temps avec les techniques formelles de suggestion.
Expliquer «Maintenant, vous décroisez les jambes et posez vos pieds sur le sol. Vous vous enfoncez dans le fauteuil et vous fixez mon regard», tout cela prend trop de temps, et j’ai beaucoup de choses à  faire avec ce patient, alors je parle tout simplement.
Je ne sais pas à  quelle vitesse le patient peut apprendre, avec quelle facilité il peut comprendre, ni ce que l’hypnose pourra bien lui apporter.
Avec certains patients, c’est très rapidement efficace, avec d’autres ça marche plus lentement. Les patients ont besoin de prendre leur temps, et il n’est pas important qu’ils réalisent qu’ils ont été en hypnose. Leur inconscient le sait.»
(Milton H. Erickson, in Life Reframing in Hypnosis)

Deux niveaux de lecture? 

Erickson était très coutumier de cette façon de répondre. Il opérait à  deux niveaux? :

1 – au premier niveau, il répond à  la question, il donne des informations sur ce qu’il faut faire ou non, ou il raconte un épisode de son enfance, de sa vie familiale ou un cas clinique.

2 – au deuxième niveau, tout en racontant tout cela, il utilise des techniques d’hypnose, si bien que ses auditeurs, du moins une partie d’entre eux, se retrouvent, sans l’avoir vu venir, dans un état d’hypnose profonde.

Il fait ce qu’il explique en même temps qu’il l’explique. Or, entendre ou lire des explications assez minutieuses sur l’hypnose, cela provoque des résonances subconscientes, et produit chez beaucoup de gens des réponses hypnotiques et un état d’hypnose.

Ici, il explique l’induction informelle, subliminale, l’hypnose qui ne dit pas son nom, l’art d’hypnotiser une personne en ayant juste l’air de papoter avec elle. Et simultanément, Erickson mène une induction informelle sur son auditoire.

On peut donc tirer des enseignements non seulement de ce qu’il dit, mais également de ce qu’il fait. Et je vous propose qu’on procède par ordre? : d’abord comprendre ce qu’il nous raconte? ; puis décrypter sa démonstration.

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La fixité du regard

Depuis les débuts de l’hypnotisme, on conseille d’obtenir que la personne hypnotisée fixe son regard. Le point de fixation change avec les époques? : les yeux de l’hypnotiseurs, un pendule qui se balance, un point lumineux, une bougie, un petit miroir, une horloge, un métronome, le plafond, le creux de sa propre main, etc…

La variante «naturaliste» que propose Erickson est la suivante? : plutôt que de dire à  la personne « Regardez fixement telle chose ! », il est plus rapide et naturelle, dans le cours de la conversation, qu’elle le fixe lui dans les yeux. Avec certaines personnes, c’est un jeu d’enfant, avec d’autres, plus timides, plus fuyantes, obtenir qu’elles plantent confortablement leurs yeux dans les vôtres, ça demande un certain savoir faire, un art de regarder et de s’adresser à  l’autre.

Mais une personne qui vous regarde fixement, c’est déjà  une personne qui vous prête une attention propice à  l’hypnose. Erickson conforte ici une des idées les plus classiques sur l’hypnose et souvent rejetée énergiquement par les professionnels contemporains : l’hypnose passe aussi par le regard. Un regard hypnotique !

L’attente explicite de l’hypnotiseur

Erickson ne dit pas «Il m’écoute et m’entend». Ce n’est pas assez. Il dit «Il sait que je veux qu’il m’écoute et m’entende».

Or, l’hypnose repose en grande partie sur un mécanisme spécifique que j’aime appeler la «politesse subconsciente»? : une part de nous, qui probablement nous est fort utile dans la petite enfance, est très sensible à  ce que les autres attendent de nous et est prête à  faire beaucoup, et parfois contre notre volonté, pour ne pas les décevoir.

Cette partie de nous très polie et serviable a à  cÅ“ur de ne pas faire perdre la face à  l’autre et de ne pas le laisser insatisfait. Elle écoute son attente et tâche d’y répondre. Peut-être parce que lui plaire, c’est s’assurer qu’il ne nous abandonne pas. Mais les arcanes, on ne peut que les supposer.

Bien sûr, ce mécanisme est plus ou moins puissant chez les uns ou les autres. C’est même une des variables de la suggestibilité individuelle. Aux extrêmes, des personnes chez qui l’attente de l’autre n’a aucun impact subconscient, et d’autres qui peuvent se faire beaucoup de mal pour ne pas être une source de déception même chez un inconnu et qui se sentent très facilement coupables de tout. La plupart d’entre nous sommes quelque part entre ces deux extrémités.

Or, la relation entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé repose en grande partie sur ce mécanisme. Le subconscient de l’hypnotisé commet des actions et des transformations internes pour répondre à  ce que l’hypnotiseur attend de lui. Ce phénomène s’appelle la suggestion.

Si son sujet sait que le Dr Erickson attend de lui qu’il l’écoute et l’entende complètement, c’est tout en lui qui va tâcher de l’écouter et de l’entendre et il s’en trouvera profondément absorbé dans l’écoute. Cela revient à  dire «Vous n’entendrez que ma voix».? Encore un cliché de l’hypnose brillamment conforté par le Dr Erickson ?

L’anesthésie auditive

Erickson dit ensuite? : « Je ne suis pas le moins du monde intéressé par les bruits en dehors de mon cabinet»

En hypnose, on devient littéralement sourd aux sons extérieurs qui n’ont aucune importance pour l’expérience hypnotique, comme les voitures qui passent dans la rue, les oiseaux qui chantent, etc.
Ces sons parviennent jusqu’à  nos oreilles, jusqu’à  notre cerveau, mais pas jusqu’à  notre attention consciente. C’est pourquoi ce phénomène se nomme anesthésie auditive, ou hallucination négative des sons.

Cette surdité sélective est en grande partie responsable du sentiment d’avoir “laché-prise”, d’avoir “décroché”, d’être entré en soi, et d’avoir trouvé un calme et une concentration très particuliers pendant l’hypnose.

Mais Erickson ne suggère pas à  son patient de développer cette surdité à  tous les sons hormis sa voix. Il ne lui dit pas “Vous n’entendrez que ma voix” : il lui montre l’exemple. Il fait lui-même abstraction de tous les sons autour, et ne se laisse déranger par rien. Il est si concentré sur son patient que tout le reste autour disparait. En d’autres termes, il se met en hypnose pour lui montrer le chemin.

En bref, pour hypnotiser une personne, il faut être hypnotisé par elle.

Non seulement ça, mais la personne qu’on hypnotise le sait, c’est-à -dire qu’elle perçoit inconsciemment l’hypnose dans laquelle on plonge. Elle nous voit partir en transe. Et il n’y a rien de plus hypnotique qu’une personne en face de vous, qui vous regarde, qu’elle vous parle ou non, et qui plonge dans un état d’hypnose de plus en plus profond.

C’est une leçon qu’Erickson illustre souvent à  travers ses articles et ses leçons : pour hypnotiser, soyez en hypnose.

Le rapport? 

J’ai parlé d’une surdité sélective. En effet, il s’agit bien que tout disparaisse SAUF ce qui provient de la personne en face. Pour Erickson, c’est ne plus entendre d’autres sons que ceux qui proviennent de son patient. Ne plus rien voir que son patient. Ne penser à  rien d’autre qu’à  lui.

Pour son patient, c’est ne plus entendre que la voix rauque et rythmique d’Erickson, et peut-être ne plus voir que ses yeux rieurs.

C’est une relation exclusive qui s’installe, un phénomène hypnotique fondamental d’anesthésie sélective qui porte un nom : le rapport hypnotique.

Erickson le résume ici brillamment : «la douceur de ma voix et mon regard si direct concentrent tout son attention sur moi»

Pour être hypnotique : une voix douce et un regard direct. Merci du conseil !

La catalepsie

«Il se sent figé et il se sent rigide»

Lorsqu’on est totalement absorbé par quelque chose, le corps ne tombe pas mollement mais il se maintient dans une position figée, sans contracture, rigide, et parfaitement confortable. Cela nous arrive à  tous, tous les jours. Et certains ont une telle capacité d’attention qu’on les voit souvent dans cette immbolité paisible. Des statuts humaines, béates. Ce phénomène qu’on appelle la catalepsie est le pendant physiologique du monoïdéisme (concentration totale de la conscience sur un point de focalisation).

Erickson, en bon classique, ne recherche pas la fermeture des yeux ou la relaxation du corps pour amorcer l’hypnose, mais la fixation du regard, la stupeur, et la catalepsie, c’est-à -dire la rigidité naturelle du corps.

En d’autres termes, Erickson nous décrit ici toutes les caractéristiques d’une hypnotisation par fascination. Décidemment, lui qu’on compte pour un iconoclaste, un moderne (un disruptif ?), ne serait-il pas en train de conforter un à  un tous les clichés les plus folkloriques de l’hypnotisme à  la papa ?

Ne pas demander, obtenir ! ? 

Erickson précise ensuite qu’il ne perd pas de temps avec les inductions formelles. C’est qu’il les a tant pratiquées qu’il a une vision très claire de chaque étape du processus. S’il n’a plus besoin de suivre des recettes, c’est qu’il l’a cuisiné souvent, cette hypnose, et à  toutes les sauces. Il sait désormais par coeur quels ingrédients mélanger, quand, comment et pour obtenir quoi.

Alors plutôt que de demander à  la personne de fixer son regard sur quelque chose, de se tenir immobile, d’écouter sa voix, au lieu de lui suggérer de ne plus entendre d’autres sons, au lieu de lui annoncer qu’elle sera confortable, ou bien qu’elle pénètre en elle-même, Erickson préfère obtenir qu’elle fasse tout cela naturellement, sans qu’on lui ait donné un cadre formel, sans lui dicter des tâches explicites.

D’une certaine façon, le passage d’un style directif à  un style naturaliste qui peut s’opérer avec le temps et l’expérience peut se résumer ainsi? :

Au lieu de demander à  une personne de faire telle chose, obtenez qu’elle la fasse sans avoir l’air d’y être pour rien. Au lieu d’expliquer, faites lui comprendre. Au lieu de lui donner une idée, faites en sorte qu’elle croit l’avoir d’elle-même. Au lieu de transmettre un message, faites-le passer discrètement. Au lieu de lui faire la leçon, offrez-lui l’occasion d’apprendre par elle-même.

Soyez patients !? 

Erickson conclut en nous donnant une leçon cruciale? : chaque personne a besoin de prendre le temps qu’il lui faut. Induire une personne en hypnose, que ce soit de façon parfaitement officielle, ou que ce soit très discrètement et secrètement, c’est toujours respecter son rythme naturel et lui offrir le temps dont elle a besoin pour y arriver.

Une hypnose sous GHB ?? 

“Il n’est pas important qu’ils réalisent qu’ils ont été en hypnose. Leur inconscient le sait”

Hypnotiser quelqu’un de façon informelle, subliminale, cela peut signifier qu’elle n’a pas exprimé verbalement son consentement ou son désir d’être hypnotisée. Ca peut-être une induction informelle dans un cadre formel et clair. Mais ça peut également signifie hypnotiser une personne à  son insu dans un contexte où elle ne s’attendait pas à  vivre cette expérience.

Erickson souligne qu’après l’hypnose, le sujet peut même ne pas réaliser qu’il a été hypnotisé, même profondément. En effet, si tout a été fait de façon subtile et discrète, il n’aurait pas l’idée d’attribuer ses moments d’absence, et ce qui se passe en lui, à  la personne qui lui parle. Et si l’hypnose, induite discrètement est tournée ensuite en expérience plus formelle, prolongée et approfondie, les sujets développent souvent une amnésie à  la fin, comme si, une fois la parenthèse fermée, ce qui appartient à  l’expérience hypnotique reste dans l’expérience hypnotique, dans le subconscient.

Ignoble manipulation des esprits faibles par un esprit malin, me crierez-vous ! Quel dangereux gourou pervers que ce psychiatre du diable ! ? Au bucher !

Pas si vite ! Certes, la discussion éthique est légitime sur la question de l’induction secrète de l’hypnose.? Mais en réalité, consentement il y a, puisque la personne est entrée en hypnose, alors qu’elle aurait très bien pu développer une résistance profonde. C’est un consentement inconscient. Et malgré les mythes et les fantasmes qui circulent, il n’est pas vraiment possible, même en étant très subtile, d’hypnotiser une personne contre son gré. A son insu, oui, mais contre son gré, non.? Ou alors c’est qu’elle est dans un état de grand fragilité psychologique, mais dans ce cas l’hypnose n’est même pas nécessaire pour qu’elle soit la victime de prédateurs sans scrupules.

Mais si rien en vous ne veut qu’on vous hypnotise, vous allez seulement gigoter sur place, vous agacer du regard insistant de la personne en face, et partir fâché. Ou bien vous vous moquerez de l’hypnotiseur, et vous aurez bien ri.

En bref, l’hypnose permet de répondre à  un désir profond, pas toujours identifié en surface, et parfois même combattu ou nié par la conscience. Si j’y vais, c’est qu’au fond de moi ça me tente bien.

Le Dr Erickson recevait des patients en psychiatrie et qui bien souvent avaient trop peur de l’hypnose pour accepter consciemment l’expérience. Or, lui l’expert, savait que? l’hypnose pouvait leur être bénéfique. Alors au lieu de la leur proposer frontalement et d’activer leurs peurs et leurs blocages, il la suggérait à  leurs inconscients. Il faisait émerger les ressources hypnotiques en eux naturellement et agréablement.

Comme nous l’avons dit, cela n’exclut pas une réflexion très légitime sur des questions d’éthique.

Mais rappelons qu’il ne s’agit jamais que de parler avec une personne en étant si concentrée sur elle qu’elle se concentre sur nous, et en lui disant des paroles qui résonnent en elle profondément et qu’elle fait siennes pour son propre bien.

Rien de bien contraignant ou intrusif en somme.


On pourrait dire encore bien des choses sur les conseils qu’Erickson nous donne. Mais voyons plutôt du côté de ce qu’il fait en direct en même temps qu’il explique et décyptons la séance informelle et discrète qu’il mène sur son auditoire.

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Je vous propose qu’on reprenne chacun des passages de ce texte et qu’on les traduise dans un langage plus direct. Comment dirait-on la même chose si on fait une séance d’hypnose formelle, explicite, simple et grossière. Et puis on ajoutera quelques commentaires au passage. On fait comme ça ?

Etape 1 : La suggestion générale d’hypnose? 

«La question à  laquelle je n’ai pas encore répondu est? : Quand est-ce que j’induis l’hypnose et quelle technique est-ce que j’utilise pour l’induire? ?

= Je vais maintenant vous donner à  connaître ma façon d’hypnotiser. Alors forcément, certains d’entre vous entreront en hypnose. Vous êtes prêts ?? 

En gros, c’est l’annonce générale “Maintenant, il va y avoir de l’hypnose !”. Or, pour beaucoup de gens, c’est déjà  suggestif. De savoir qu’une conversation porte sur l’hypnose, de savoir qu’une personne pratique l’hypnose, d’entendre qu’on parle d’hypnose, de lire sur l’hypnose, de voir une démonstration d’hypnose, tout cela amène déjà  un grand nombre de personne a manifester des signes d’entrée en transe hypnotique et d’approfondissement.

Etape 2 : Etablissement du rapport, lien à  la voix

«Comment se fait-il que tant de personnes dans ce public soient en hypnose maintenant en m’écoutant ? Je vois que beaucoup d’entre vous sont dans des transes hypnotiques profondes.»

= Comme certains déjà , vous allez pouvoir entrer en hypnose profonde en m’écoutant là  maintenant. M’écouter vous hypnotise ! Et ça se passe ici, et maintenant !? 

Rien de plus efficace pour expliquer aux personnes présentes qu’elles peuvent entrer en hypnose ici et maintenant qu’en leur disant que c’est déjà  le cas pour beaucoup d’entre elles. C’est la preuve (sociale) par le fait accompli. Et par un effet d’imitation, une envie de faire comme les autres, beaucoup d’autres suivront.

Et comment sont-elles entrées en hypnose ?? « En m’écoutant», nous dit Erickson. Il donne donc aux autres le mode d’emploi simplissime. Comment entrer en hypnose ? En l’écoutant.

Etape 3 : Fixation et identification? 

«Voyez, quand je parle à  un patient dans mon cabinet, j’obtiens que son regard soit fixé sur moi, et je lui parle d’une telle façon qu’il sache que je suis en train de lui parler.»

? = Or, vous, dans le public, vous êtes précisément en train de me regarder fixement et vous êtes bien conscient que je suis en train de vous parler. C’est tout pareil. C’est comme si nous étions en tête à  tête dans mon cabinet et que vous étiez sur le point d’entrer en hypnose profonde.

Erickson permet à  ses étudiants présents devant lui de s’identifier naturellement aux patients dont il parle, et ainsi de prendre pour eux les expériences vécues par les patients. Il crée encore une possible résonance entre ce qui est raconté et la personne qui écoute.

En plus de cela, il invite une fois de plus à  fixer, et exprime clairement son attente d’être écouté et entendu. Souvenez-vous de ce qu’on en a dit dans la première partie.

Etape 4 ? : L’effet bulle? 

«Il sait que je veux qu’il écoute, que je veux qu’il m’entende, et que je ne suis pas le moins du monde intéressé par les bruits en dehors de mon cabinet, l’avion au dessus de nos têtes, les voitures qui passent dans la rue, les oiseaux qui chantent dans le jardin.? Je ne parle qu’à  lui, et je retiens son attention. »

= Et maintenant, vous aussi, vous le savez que je veux que vous écoutiez. Et vous savez que je n’ai d’yeux que pour vous et que le reste ne m’intéresse pas. Alors regardez-moi, et tout comme je suis parfaitement absorbé par vous et que j’en oublie tout le reste, soyez parfaitement absorbés et oubliez tout ce qui n’a aucune importance, comme par une sorte d’imitation.

On en a déjà  pas mal parlé, alors je me contenterai de dire qu’il approfondit l’induction de ce phénomène d’anesthésie sélective jusqu’à  créer ce que j’aime appeler l’effet bulle, l’impression d’être dans une bulle, coupé du monde, qu’on partage avec la personne en face. C’est une base de l’hypnose. Or, beaucoup de gens l’ignorent et ne peuvent pas vraiment l’inventer. Donc, une des étapes importantes de l’induction de l’hypnose consiste à  décrire cet effet bulle soit directement soit en ayant juste l’air d’évoquer ça au passage comme il le fait ici. Et de le décrire suffit souvent à  le créer.

On pourrait imaginer que les sons qu’ils citent sont justement audibles à  ce moment là , et qu’il les cite pour les inclure à  l’expérience. C’est en effet quelque chose qui se fait souvent : avant que l’hypnose commence, on évoque les sons alentours et autres éléments potentiellement perturbateurs en provenance de l’environnement, ainsi la personne y prête une dernière fois attention avant de les oublier.

Mais ici, rien ne permet de penser que ce soit le cas. Il semble que le Dr Erickson décrive plutôt les sons hypothétiques qui peuvent être entendus depuis son cabinet. Cela dit, en les évoquant, il amène ses auditeurs à  imaginer des sons. Et prêter attention à  des sons imaginaires, cela favorise le fait de prêter moins attention aux sons environnants. On pourrait donc supposer que le Dr Erickson accompagne l’anesthésie auditive en invitant, par une évocation, à  focaliser l’attention sur des sons imaginaires. Cette technique d’induction est le déplacement de la conscience vers l’imaginaire? (les images remplacent les sensations)

Etape 5 : Prolonger la catalepsie? 

«Il se sent figé et il se sent rigide, mais la douceur de ma voix et mon regard si direct concentrent tout son attention sur moi. Et alors il est dans un état de transe hypnotique»

= Sur vos chaises, peut-être que vous vous sentez figés en m’écoutant, rigides. Très bien? ! Ne cherchez pas à  vous en dépétrer en vous étirant ou en gesticulant. Tout va bien. Mon regard est direct et ma voix est douce et c’est tout ce qui compte. Elle vous berce. Vous n’entendez qu’elle. Vous êtes en hypnose !

La catalepsie est une attitude typique lorsqu’on écoute un cours ou une conférence qui nous captive. Et obtenir un état général cataleptique est l’amorce idéale des inductions hypnotiques efficaces. On pourra, si on le souhaite (mais ça ne reste qu’une option) orienter l’hypnose vers de la relaxation, ultérieurement, mais démarrer l’hypnose en installant la personne trop confortablement, en laissant son corps mollir, et en l’invitant d’emblée à  fermer les yeux, c’est une erreur classique des débutants, qui leur coûte de passer souvent bien plus de temps pour obtenir des hypnoses poussives voire légères.

Mais la catalepsie, si on n’en fait rien, se rompt aussi vite qu’elle est apparue. Un bras figé en l’air, il faut ensuite lui insuffler un mouvement ou lui donner une fonction pour qu’il ne retombe pas mollement, par exemple la célèbre lévitation du bras si chère à  Erickson.

Dans notre exemple, le risque est fort qu’en évoquant la rigidité cataleptique, beaucoup des personnes de la salle s’étirent ou gesticulent comme pour rompre l’immobilité et reprendre le contrôle de leur corps. Mais alors ce sera peut-être toute leur absorption hypnotique qui se dispersera. Erickson enchaîne aussitôt sur la suggestion que la douceur de sa voix et son regard continuent d’approfondir l’hypnose et permettent à  la catalepsie d’être vécue confortablement. Il s’empresse de prolonger l’effet et d’empêcher la reprise de contrôle.

Etape 6 : Préparer un travail accéléré

? «C’est la technique que j’utilise habituellement parce que je n’aime pas perdre de temps avec les techniques formelles de suggestion.«Expliquer «Maintenant, vous décroisez les jambes et posez vos pieds sur le sol. Vous vous enfoncez dans le fauteuil et vous fixez mon regard», tout cela prend trop de temps, et j’ai beaucoup de choses à  faire avec ce patient, alors je parle tout simplement.»

= Et l’hypnose que je viens de vous faire là , toute discrète, ni vue ni connue, peut être bien plus rapide que toutes les techniques ringardes à  base de “Faites-ceci, faites-cela !”. On n’a pas de temps à  perdre vous et moi, alors voici le deal que je vous propose? : je vous parle tout simplement, et votre inconscient lit entre les lignes, sans que j’ai besoin de lui donner des explications de texte.

En effet, en ayant l’air de parler de sa méthode en cabinet, Erickson dit bien : la méthode subliminale, informelle, est bien plus rapide qu’une autre. Pour l’inconscient des personnes de l’assemblée qui sont entrées en hypnose en l’écoutant d’une façon informelle, le message est clair : on est en train d’utiliser la méthode rapide, et on n’a pas de temps à  perdre. Et cela prépare magnifiquement les étapes suivantes qui reviennent à  faire une thérapie express pour chacun des membres de l’auditoire en hypnose. En gros, Erickson dit “Vous êtes en transe. Super ! Maintenant, il s’agirait d’en faire quelque chose d’utile, mais on n’a pas trop le temps pour ça. Alors on va faire vite et bien”

Erickson cite au passage des instructions directes. En même temps, il précise qu’il ne perd pas de temps à  les donner. J’appelle cette méthode une suggestion par prétérition,? car elle consiste à  dire qu’on ne dit pas quelque chose mais à  le dire quand même. Comme si vous dites “Je ne dois surtout pas vous révéler que mon code secret est le 889843”. Vous l’avez dit quand-même en disant que vous ne le direz pas.

Or, pendant qu’ils entendent cela, les étudiants dans la salle se figurent mentalement cette procédure très formelle qui consiste à  faire mettre les deux pieds sur le sol et à  fixer un point devant soi. Et puisqu’ils l’imaginent, ils la vivent un peu. Et s’agissant d’un rituel classique d’hypnose, l’imaginer favorise l’hypnose chez celui qui l’imagine. Donc, citer ces actions simples, concrètes, faciles à  se représenter n’a rien d’anodin et constitue une technique de suggestion indirecte très précise.

Erickson dit qu’il n’a pas de temps à  perdre avec ces étapes, mais en même temps, il a bien pris le temps de les détailler. Faites ce que je fais, pas ce que je dis !

Etape 7 : Mettre l’Inconscient au travail

«Je ne sais pas à  quelle vitesse le patient peut apprendre, avec quelle facilité il peut comprendre, ni ce que l’hypnose pourra bien lui apporter.»

? = Rapidement ou lentement, vous allez apprendre quelque chose de cette expérience d’hypnose. Facilement ou non, vous allez comprendre quelque chose. Et bien que je ne sache pas quoi, cette hypnose va vous apporter quelque chose de? bénéfique? pour vous. Ca c’est certain !? 

Il s’agit ici d’implications cachées, ou méthode de suggestion indirecte par présupposition. Finalement, la vitesse ou la facilité ne sont que des prétextes et ses doutes n’ont pas d’importance : Erickson exprime bel et bien sa certitude que les patients font un apprentissage en hypnose et en tirent des bénéfices.

Et ici, adressées à  ces étudiants, ces suggestions font de leur expérience d’hypnose une véritable aubaine. Maintenant qu’ils ont accès à  cet état, Erickson leur suggère de l’utiliser pour y apprendre quelque chose, y recevoir une compréhension, et en tirer des bénéfices personnels. En termes techniques, on pourrait dire que vient de se terminer l’induction et qu’il s’agit ici de la phase de travail.

Un peu court, me direz-vous ! Certes, mais c’est là  qu’on comprend l’intérêt d’avoir d’abord demandé à  l’inconscient de bosser vite et bien. Cette phrase d’apparence anodine peut provoquer des changements fondamentaux dans la vie des personnes qui écoutent innocemment Erickson ce jour-là . C’est une suggestion très forte et très profonde. Et l’on comprend mieux toute le soin mis auparavant à  la préparer par une succession de suggestions très denses et très finement composées et dissimulées.

Etape 8 : Pont vers le futur

«Avec certains patients, c’est très rapidement efficace, avec d’autres ça marche plus lentement. Les patients ont besoin de prendre leur temps»

= De toute façon, ça va marcher ! Cette hypnose va vous apporter des changements positifs. C’est une certitude. Mais la question pour vous, ce sera quand ? Pour toi, ce sera maintenant, pour toi, dans une heure, et pour toi là  bas au fond, dans un mois seulement.? 

Là  encore un présupposé fort. Il fait semblant de douter du Quand pour mieux affirmer une véritable certitude sur le Quoi. Pour le public auquel il s’adresse, Erickson consolide sa suggestion de changement en ouvrant la variable temporelle. Tous ont reçus la même induction, absolument pas personnalisée. Mais ceux qui sont entrés en hypnose pourront ensuite s’approprier parfaitement la séance en faisant jouer à  leur convenance la seule variable qui compte : le temps qu’il leur faudra pour changer.

Erickson suggère indirectement l’idée que l’hypnose n’est pas un processus à  court terme supposé faire du bien pendant la séance, mais une graine qu’on plante pour qu’elle pousse dans un avenir plus lointain, et porte ses fruits sur du plus long terme encore. Ici, quelle graine ? Et bien Erickson a creusé un trou dans la terre de l’étape 1 à  6. Il a déposé la graine d’un changement futur à  l’étape 7. Et ici, à  l’étape 8, il commence à  la recouvrir. Ce n’est pas forcément aussitôt qu’on pourra en voir la tige et les feuilles, et en gouter les fruits. Patience !

Etape 9 : Amnésie et réveil? 

« et il n’est pas important qu’ils réalisent qu’ils ont été en hypnose. Leur inconscient le sait.»

= Réveillez-vous et oubliez cette expérience d’hypnose. De toute façon, la plupart d’entre vous ne réalisez même pas que je viens de vous hypnotiser. Tant mieux ! Votre inconscient le sait et c’est tout ce qui compte.? 

Ici, il met les dernières pelletées de terre pour refermer le trou. On n’y voit que du feu. On en oublie même la graine, tant qu’elle n’a pas poussé.

“Qu’ils ont été en hypnose”. La phrase est au passé. Erickson met la description de l’hypnose au passé proche et invite les auditeurs à  imaginer l’après-séance immédiat. C’est une instruction cachée de sortir de l’hypnose et d’en faire une expérience passée. C’est l’équivalent indirect de ce qu’on appelle la suggestion de réveil.

Et ce que l’inconscient a fait peut rester à  un niveau inconscient. C’est également avec cette suggestion d’amnésie partielle ou totale qu’on accompagne souvent le réveil de l’hypnose comme le fait ici subtilement Erickson. Pourquoi ? Et bien parce que la plante pousse mieux si sa graine est bien cachée, là -dessous, au chaud. Le travail inconscient initié par les suggestions de Milton Erickson feront bien mieux leur chemin vers la surface, et porteront bien mieux leurs fruits si les personnes hypnotisées dans la salle ne se mettent pas à  réfléchir sur l’expérience qu’elles viennent de vivre, à  la décrypter, à  la décortiquer. Il vaut laisser le charme agir.


On pourrait dire encore bien des choses. Mais je vous laisse les ajouter dans les commentaires.

Pour conclure, on voit ici comment Erickson a mené dans ce passage pourtant assez court toute une séance d’hypnose parfaitement construite, structurée et dense. Il avait promis de réponse à  la question “Comment induisez-vous l’hypnose ?”, il l’a fait, en l’expliquant et en le montrant. Et puisqu’en expliquant, il a insisté sur l’utilité d’induire une hypnose discrète, naturelle, sans éveiller la méfiance du patient, quoi de mieux que d’hypnotiser de cette même façon subliminale et secrète son auditoire ?

Il a expliqué à  ses étudiants comment hypnotiser. Et il s’est adressé simultanément, par sa démonstration, à  leurs inconscients, pour leur apprendre comment hypnotiser. Il y a fort à  parier que ceux-ci, ainsi enseignés, lorsqu’ils pratiqueront l’hypnose, seront surpris de découvrir qu’en plus des efforts qu’ils feront consciemment pour la pratiquer subtilement, tout en eux et du plus profond d’eux sera pleinement et parfaitement “hypnotique”, tout comme Erickson l’a été ce jour-là  devant eux.

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